3e petit-déjeuner de P3S
- Jean-Hubert de KERSABIEC, Vice-Président de P3S
- Roger DELAGNEAU, Directeur grands comptes PRO BTP
- Marie-Thérèse Dugré, Psychologue du travail, de l’organisation en entreprise et Cheffe d’Entreprise
- Alain Mergier, Sociologue et Directeur de l’Institut VEI
- Jean-Pierre Chaffin, Président P3S
Ces normes Québécoise et Canadiennes ont pour Objectifs l’amélioration durable de l’état de santé et du mieux-être des salariés, ainsi que des structures dans lesquelles ils travaillent
Synthèse de l’intervention du 29 mai 2012 – Version en fichier PDF
I. Entreprise en Santé
Marie-Thérèse DUGRE
Prendre en compte la santé physique et psychologique des salariés et leurs effets sur l’organisation et la marche de l’entrepris nécessite une attitude tournée vers la prévention.
L’absentéisme, par exemple, peut avoir des causes multiples et il faut savoir que d’après les études statistiques canadiennes ou québécoise 30 à 50 % des absences de longue durée sont dues à des problèmes d’ordre psychologique ; la sédentarité quant à elle, avec ses conséquences (diabète, maladies cardiovasculaires, etc.), a un impact d’environ 12% sur la productivité.
Ne pas intervenir a donc un coût que l’on peut estimer à 17 % de la masse salariale (en coût direct et indirect).
Face à cela, les entreprises ne doivent pas se contenter d’actions ponctuelles mais s’engager à mettre en œuvre des actions préventives structurées (diagnostic, plan d’action, évaluation).
Chaque dollar investi rapporte 2,3 à 3,1 dollar. Des actions préventives font diminuer l’absentéisme de 1,8 jour par an et par salarié, elles agissent dans le même sens sur le présentéisme, c’est- à-dire la présence physique au travail tout en étant absent d’esprit, phénomène que l’on évalue à 15% dans les entreprises.
Les actions préventives entraînent un meilleur climat de travail et améliorent le sentiment d’appartenance.
Une entreprise en santé peut être définie comme une organisation dont l’ensemble des pratiques organisationnelles et managériales visent à favoriser la promotion du bien être au travail en lien avec l’efficacité de celui-ci. On s’efforce de s’ajuster aux besoins de l’individu au delà de l’application de règles collectives et l’entreprise alors voit son efficacité et sa profitabilité s’améliorer.
Trois points sont à la base d’un bon état de santé psychologique :
- La confiance en soi. Elle permet la mise en action de la personne ; on la développe tout
au long de notre vie ; devant un nouveau défi, elle permet de maitriser le niveau d’anxiété qu’il entraîne. - L’estime de soi. Elle consiste à avoir un regard positif sur soi-même s’appuyant sur une reconnaissance constructive de son entourage personnel et professionnel. Elle permet de nous dire « comme personne humaine, j’ai de la valeur ». C’est la partie la plus fragile de notre être : devant des attaques négatives elle peut s’effondrer et conduire jusqu’à la dépression.
- Le bien être émotionnel. Il consiste à maitriser ses émotions négatives et à comprendre que les émotions positives sont à la base du bien-être, du bonheur.
Une entreprise qui va s’organiser pour valoriser ces trois points en récoltera les biens-faits sur sa flexibilité, sa productivité et sa profitabilité.
Il faut donc dépasser la simple notion de qualité de vie au travail qui était en vigueur dans les années 80, pour développer ce concept d’entreprise en santé, qui prend en compte la notion d’individualisation au travail c’est-à-dire le salarié dans toute sa personne.
Faire confiance aux gens suppose de leur laisser la faculté de s’organiser avec une certaine auto- nomie et non de les soumettre à un contrôle strict. Cet espace d’autonomie est indispensable à l’épanouissement professionnel.
On comprend pourquoi la totalité du management doit s’impliquer dans une telle démarche.
Il faut faire attention au sur engagement de certaines personnes qui vont aller au-delà de leurs li- mites ; surtout avec l‘essor des nouvelles technologies de communication. Le management devra y veiller pour lui-même et pour ceux qu’il dirige. Sachons que les salariés attendent du discours de leurs dirigeants plus de la sincérité que des certitudes.
La norme Québécoise du Groupe Entreprise en Santé « BNQ 9700-800 ».
La norme BNQ 9700-800 Prévention, promotion, et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail communément appelée « Entreprise en santé », vise le maintien et l’amélioration durable de l’état de santé des personnes en milieu de travail.
Il s’agit d’intégrer dans le processus de gestion des entreprises une préoccupation constante
de l’état de santé des personnes. Toute la hiérarchie depuis les plus hauts niveaux de direction jusqu’au management de proximité doit être impliquée. Chaque manager doit s’interroger sur l’impact possible des décisions qu’il est amené à prendre sur la santé des salariés qu’elles concernent ; s’il y a un impact, comment puis-je en minimiser les conséquences au niveau organi- sationnel ? Eventuellement, ne faut-il pas que je prenne une autre décision ?
Simultanément, l’entreprise doit mettre en œuvre des mesures pour aider les personnes à prendre leur propre santé en main.
Les entreprises devront mettre en place « un comité de santé mieux être » qui comprendra tous les paliers hiérarchiques avec la présence des organisations syndicales dont le but sera de fédérer tous les efforts et de mettre en place un processus d’évaluation inscrit dans la durée.
La norme BNQ 900-800 n’est pas obligatoire ; elle permet de certifier des entreprises, mais de façon plus générale, elle offre un guide de conduite à ces dernières, sans pour autant qu’elles veuillent aller jusqu’à la certification.
La certification quant à elle comprend deux niveaux :
- Un niveau général : entreprise en santé
- Un niveau plus élevé : entreprise en santé-élite
Le processus comprend 5 étapes, la première est évidemment l’engagement de la direction.
Il convient ensuite de mettre en place un comité de santé mieux être dans lequel toutes les parties prenantes, la direction, les différents niveaux de la hiérarchie, les organisations syndicales doivent être présentes ; ce comité doit jouer un rôle fédérateur.
On pourra alors organiser la collecte des données destinées à faire le point sur l’état actuel de l’entreprise. En lien avec ces données on élaborera le plan d’intervention. Le suivi demande la définition des paramètres de mesure.
La dernière étape permettra de vérifier le bien fondé des actions engagées et leur efficacité.
La norme agit sur quatre sphères d’activité prenant en compte que la santé doit être abordée de façon globale :
- Les habitudes de vie du personnel : habitudes alimentaires, activité physique, tabagisme, stress…(on considère que 80% de nos comportements sont modifiables).
- L’équilibre travail vie personnelle et les soutiens éventuels à mettre en place. Un mauvais équilibre entraine surmenage et stress.
- L’environnement de travail : sécurité physique, chaleur, froid, bruit, aménagements divers, etc.
- Les pratiques de gestion et de management, le relationnel la reconnaissance par les mana gers versus l’indifférence.
Réaction d’Alain MERGIER
Nous avons beaucoup à apprendre des expériences en matière de santé au travail et de santé psy- chologique des pratiques Canadiennes et de celles du Québec en particulier.
Ce qui me semble primordial, c’est la prise en compte réelle dans le monde du travail de la ques- tion de la personne dans son entièreté et ce depuis la gestion des activités humaines au plus prés du terrain jusqu’au niveau institutionnel.
C’est toute la culture dans l’entreprise et la culture managériale qui sont concernées. Le processus décisionnel prend en compte les conséquences possibles sur la santé des salariés et, s’il y a un impact sur celle-ci, engage le manager à traiter le problème, voire à modifier sa décision. Cette attitude est très différente de la conception qui domine en France où, lorsque le salarié passe la porte de l’entreprise, celle-ci ne le connait plus. Marie-Thérèse a mis en relief la réalité des coûts pour le salarié comme pour l’entreprise en montrant que l’investissement dans la santé psycholo- gique est rentable au final pour les 2 parties.
Remarquons au passage que les mots n’ont pas toujours le même sens. Ainsi la flexibilité est per- çue en France comme une notion voulue par l’entreprise pour améliorer sa compétitivité, sans se préoccuper de la santé du salarié, alors qu’au Québec, il s’agit de rechercher une souplesse dans l’organisation qui satisfasse les deux parties et prenne en compte les contraintes du salarié en tant que personne.
Est-ce de l’angélisme ? Non, car cela n’empêche nullement de sanctionner les comportements nocifs ou abusifs. Notre culture managériale est encore loin de cela. Or, une culture managériale non respectueuse de la personne produit des effets d’incertitude générateurs de stress et de mal- être.
Il faut savoir que la prévisibilité de ce qui peut arriver est indispensable à la sécurisation des sala- riés et du sentiment de bien-être qui leur permettra de s’investir dans leur travail.
Marie-Thérèse DUGRE
II. Sécurité psychologique en milieu de travail
L’absentéisme est un des paramètres dans le recueil des données ; ce qui le motive doit être analysé en permanence. Les pratiques managériales ne peuvent changer du jour au lendemain, le changement s’inscrit dans la durée. On doit coacher les managers, les former, les obliger à s’infor- mer… cela demande du temps, mais les résultats sont visibles au bout de 2 ou 3 ans. Si le climat de travail s’améliore et le sentiment d’être reconnu en tant que personne progresse, les salariés ne craignent plus de faire part de leurs difficultés, de leurs besoins, bref d’être entendu et d’obtenir des réponses. Cela engendre une certaine reconnaissance vis-à-vis de l’entreprise.
Au Québec, il n’y a pas de médecine du travail, les risques santé sont pris en compte par les entre- prises d’assurance qui sont plutôt en avance sur l’application de la norme. En termes d’intérêts respectifs bien compris, elles font la promotion de la norme chez leurs assurés.
La norme canadienne
Au Canada on s’est aperçu qu’un paramètre tel que l’absentéisme du à des raisons psychologiques était à hauteur d’au moins 20% du au milieu de travail. Cela a interpelé le Parlement qui a suscité l’élaboration d’une norme ne conduisant pas à une certification mais destinée à servir de guide aux entreprises désireuses de promouvoir la santé psychologique de leurs salariés.
Moins globale que la norme québécoise « entreprise en santé » la norme canadienne porte exclusivement sur la santé psychologique.
La norme propose d’agir sur 13 facteurs du milieu de travail découlant d’études générales psycho- logiques et sociologiques connues au niveau des responsables RH. C’est à partir de ces 13 facteurs que l’entreprise va être amenée à évaluer sa situation et à élaborer son programme d’action. Ces 13 facteurs ne sont pas hiérarchisés. Citons les.
Tout d’abord, la politesse dont on s’est rendu compte qu’elle s’était dégradée et de l’urgence qu’il y avait à rétablir des choses basiques en matière de respect des personnes. Il s’agit aussi d’établir la possibilité de soutien psychologique en faisant en sorte que les personnes qui en auraient besoin osent l’exprimer sans avoir peur d’être jugées négativement. On travaillera également sur la culture organisationnelle qui doit engendrer confiance, honnêteté et équité. Il est très important pour les dirigeants de présenter leur projet avec clarté et sincérité pour pouvoir mobiliser leurs employés et les amener à repousser leurs limites. On doit être attentif à la correspondance psychologique entre le travail de la personne et ce qu’elle est. Les gens ont soif d’apprendre, de se perfectionner pour progresser en relevant de nouveaux défis. Le travail des personnes doit être reconnu à sa juste valeur et donner lieu à reconnaissance et récompenses.