GALEA / Rédacteur : Pierre Chaperon /12 février 2020
Le processus législatif
L’Assemblée nationale a entamé l’examen du projet de loi retraite. Le processus retracé dans la frise chronologique ci-dessous est à première vue classique. Toutefois, un certain nombre de spécificités liées à la complexité et à la sensibilité de la matière doivent être relevées :
- Le passage en Conseil d’Etat, gardien de la qualité juridique d’un projet de loi, ne s’est pas passé sans accrocs, celui-ci ayant, dans un avis sévère, pointé un certain nombre de faiblesses. Ces mises en garde, à ce stade non bloquantes, pourraient être de nature à fonder d’éventuels contentieux auprès du juge administratif (question des ordonnances v ci-après), voire des difficultés constitutionnelles.
- Le texte prévoit l’adoption de, pas moins de, 29 ordonnances.
Rappelons qu’une ordonnance est une forme de loi que le pouvoir exécutif peut prendre, sur habilitation du Parlement. Cette procédure présente l’avantage de la rapidité mais il faut conserver en mémoire que la norme juridique reste du domaine réglementaire tant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une ratification par le Parlement. Soumettre l’ordonnance à ratification présente l’inconvénient de rouvrir un débat ; elle présente en revanche l’avantage de solidifier la mesure qui n’est de ce fait plus susceptible de recours devant les tribunaux administratifs.
Le tableau ci-dessous détaille le processus prévisionnel d’adoption de la loi, processus allant du Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel (qui ne devrait pas manquer d’être saisi) avant une promulgation de la loi qui, selon l’exécutif, devrait intervenir avant l’été.
Le calendrier est toutefois susceptible d’être ralenti (22 000 amendements déposés au jour où nous écrivons) ou accéléré par un éventuel recours au 49-3.
Le processus « dialogue social »
Une particularité majeure, et sans doute sans précédent, réside dans le fait qu’un processus de « dialogue social » tripartie dans le cadre d’une conférence sur « l’équilibre et le financement » du futur système a été mise en place, le 30 janvier dernier*. Elle réunit les syndicats de salariés, d’employeurs mais aussi Etat. La conférence devra rendre ses conclusions d’ici la fin du mois d’avril. L’enjeu de ces travaux est d’être en capacité de proposer au gouvernement un « cocktail » de mesures permettant au futur système d’atteindre l’équilibre financier en 2027 : ces mesures pourraient conduire le gouvernement à renoncer ou à aménager le fameux « âge d’équilibre » prévu à l’article 10 du projet de loi.
L’animation de la conférence a été confiée à M. Jean-Jacques Marette, au regard de sa grande connaissance et maitrise de la négociation paritaire dans l’ensemble Agirc-Arrco.
On notera que la comparaison avec les négociations intervenues dans le monde paritaire de la retraite complémentaire trouve toute sa limite par :
- La présence de l’Etat à la table de la conférence et sa ratification finale des travaux menés,
- L’existence d’un cahier des charges qui limite considérablement les marges de manœuvre : « ni baisse des pensions…ni hausse du coût du travail… ».
- Les termes de « dialogue social » utilisés dans la lettre du Premier Ministre qui prennent tout leur sens pour bien exprimer que l’on n’est pas dans un contexte de « négociation » qui supposerait l’autonomie des parties et une relation faisant intervenir le droit des contrats.
A l’issue de la conférence, le gouvernement agira par voie d’ordonnance pour :
- Transcrire l’accord intervenu dans le projet de loi,
- Revenir aux mesures initialement inscrites dans le projet de loi concernant l’âge d’équilibre (une convergence à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027). Ceci concernerait les hypothèses dans lesquelles :
– aucun accord ne serait trouvé,
– l’accord ne serait pas satisfaisant pour le gouvernement au regard de l’objectif d’atteinte de l’équilibre résultant du cahier des charges assigné par le Premier Ministre.
Le tableau, ci-dessous, décrit le double processus à l’œuvre qui fait intervenir :
- La démocratie représentative (Parlement),
- Et la démocratie sociale (Partenaires sociaux)
Et la « remontée » d’un éventuel accord intervenant lors de la conférence des financeurs dans le processus législatif lors de la seconde lecture.
Lettre du Premier Ministre aux Partenaires sociaux en date du 11 janvier 2020