23 septembre 2020 – Le Point de vue de Jean-Marie Spaeth, Président Honoraire de la CNAM, de L’EN3S et Administrateur de P3S

Au prétexte de résultats probablement positifs sur une année particulière, les pouvoirs publics ont decide de creuser durablement un trou chez les complémentaires-santé.

Reprenant de vieilles recettes des administrations de Ségur et de Bercy, le Gouvernement propose au Parlement, une nouvelle fois, d’augmenter la taxe sur les Complémentaires-Santé afin de renflouer la Sécurité Sociale.

Les complémentaires santé viennent en complément de l’assurance maladie obligatoire à hauteur de 22 % des dépenses de soins de ville et de 5 % pour l’hôpital. Moins de consultations, c’est moins de prescriptions. Les complémentaires auront moins dépensé en 2020 qu’en 2019, c’est une évidence, même s’il ne faut pas sous-estimer les pertes de cotisations. Depuis 15 ans, les taxes qu’elles ont acquittées ont régulièrement augmenté. 5,12 milliards en 2019 auxquels vont s’ajouter 1,5 milliard d’euros en 2020 et 2021. Quoi que disent ou promettent les gouvernements successifs, l’histoire nous apprend que de telles sommes se répercutent toujours sur les cotisants. C’est particulièrement vrai pour les mutuelles et les institutions de prévoyance (IP) qui représentent plus de 75% des contrats de santé. Sociétés de personnes de l’économie sociale et solidaire, elles ne sauraient être en déficit.

Derrière cette bataille de chiffres et de communication se cachent en réalité des questions de fond portant sur la démocratie, la solidarité et la responsabilité sociétale.

Adhérer à une complémentaire est indispensable pour accéder aux soins. Syndicats et Patronat ont signé en janvier 2013 un accord transcrit dans la loi qui rend obligatoire la complémentaire santé pour tous les salariés. Les plus démunis ont quant à eux accès au dispositif de « Complémentaire-Santé-Solidaire ». Mutuelles et IP ne rémunèrent pas de capital. Pour parler vrai, les taxer équivaut à taxer la solidarité.

Financer ainsi la sécurité sociale est une politique de gribouille ou de sapeur Camember. Au prétexte de résultats seront probablement positifs sur une année particulière, les pouvoirs publics ont décidé de creuser durablement un trou chez les complémentaires santé pour combler très marginalement celui de l’assurance-maladie obligatoire. Le financement de celle-ci mobilise pour l’essentiel la CSG, prélevée proportionnellement sur l’ensemble des différents revenus. Elle entre dans le calcul des prélèvements obligatoires.
Ce n’est pas le cas des complémentaires : leurs cotisations sont assises sur les seuls revenus d’activité et de remplacement et leur gestion relève de leurs adhérents – via les syndicats de salariés et d’employeurs pour les IP, directement pour les mutuelles.

Taxer les complémentaires en détournant les cotisations des salariés, des retraités et des entreprises, et en siphonnant les réserves, est un nouveau signe qu’une gestion responsable au service des assurés est vaine, l’État s’arrogeant le droit de piocher quand bon lui semble dans la caisse du voisin. Car en cas d’excédents, les gestionnaires des complémentaires démocratiquement responsables, conformément à leur mission, ne peuvent que décider de restituer des cotisations ou les diminuer, financer la prévention ou l’innovation ou encore apporter des réponses aux nouveaux besoins des salariés et retraités.

L’administration accrédite ainsi l’idée qu’elle est seule légitime à parler au nom des assurés pour leur accès aux soins. Elle fait des complémentaires santé des supplétifs de la sécurité sociale. Déjà écartés de la gestion de l’assurance-maladie, les partenaires sociaux et les mutualistes sont en passe de l’être de celle des complémentaires, avec, il faut le constater, peu de réaction de leur part.

Rude époque pour la démocratie sociale. Rude message envoyé aux citoyens, acteurs sociaux, organisations syndicales et patronales, mutualistes, qui ont pour ambition de ne pas tout attendre de l’État et d’être des acteurs de prévention pour favoriser le maintien en bonne santé, diminuer l’absentéisme en entreprise, freiner l’évolution vers la maladie et la dépendance, et promouvoir le mieux vieillir. L’heure n’est plus à la taxation mais à la promotion d’une nouvelle ambition. En 1945, l’objectif était de s’assurer solidairement contre les risques inhérents à la vie, maladie, accident et vieillesse, notamment.

Aujourd’hui, le défi a relever est d’élargir la protection sociale au bien-être. le monde d’après réclame un partenariat clair entre la sécurité sociale et les complémentaires

Sans attendre les injonctions des pouvoirs publics, il est temps que les partenaires sociaux négocient des conventions collectives de protection sociale au service de la performance sociale et économique des entreprises, indispensable au bien-être et à la cohérence du pays tout entier.

Taxer les complémentaires santé !