Le 27 août 2021 – L’Argus de l’Assurance – Une analyse de Xavier Pignaud – Avocat Associé, Rigaud Avocats.
Les catégories objectives de salariés sont revues afin de tirer les conséquences de la fusion des régimes de retraite AGIRC et ARRCO. Les entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2024 pour mettre leurs régimes en conformité et ainsi continuer à bénéficier du cadre social de faveur.
Tout changer pour que rien ne change. C’est l’exercice délicat auquel se sont livrés les rédacteurs du décret du 30 juillet 2021[1] qui redéfinit les critères objectifs des catégories de salariés bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire. Il convenait en effet de tirer les conséquences de la fusion des régimes de retraite Agirc et Arrco[2] qui rendait obsolète les anciennes catégories de salariés cadres et non-cadres définies par référence à la convention Agirc du 14 mars 1947 ou à l’accord Arrco du 8 décembre 1961, sans que cela n’entraîne pour autant un chamboulement général du périmètre actuel de ces régimes. La notice du décret précise ainsi clairement que « pour des raisons de stabilité de la norme et de sécurité juridique, le texte maintient le périmètre actuel des catégories de cadres et de non-cadres » en permettant certaines adaptations. Mais cette recherche de stabilité interdit pour autant tout immobilisme. Pour s’assurer que les contributions patronales destinées à financer les régimes concernés continuent à être valablement exclues de l’assiette des cotisations sociales, les branches professionnelles et les entreprises concernées vont en effet de nouveau devoir étudier leurs catégories de salariés bénéficiaires à l’aune des définitions issues du décret.
Comment sont actualisées les anciennes références à l’AGIRC et à l’ARRCO ?
La notion de caractère collectif des régimes de protection sociale complémentaire issue de la loi « Fillon »[3] de 2003 a été précisée dans un décret de 2012[4]. En insérant l’article R. 242-1-1 dans le Code de la sécurité sociale, ce texte est venu définir de manière précise les catégories de salariés qui pouvaient être retenues pour bénéficier du cadre social de faveur. Afin d’adapter les anciennes références aux conventions Agirc et Arrco, le décret de 2021 modifie les deux principaux critères sur lesquels s’appuient les entreprises.
De nouvelles références pour les salariés cadres et non-cadres
Le critère n°1 issu du décret de 2012 permettait la constitution d’une catégorie objective de salariés s’appuyant sur l’appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l’utilisation des définitions issues des dispositions de la convention Agirc : articles 4 (cadres et dirigeants affiliés au régime général de sécurité sociale), 4 bis (employés, techniciens et agents de maîtrise obligatoirement assimilés à des cadres) et article 36 de l’annexe I (salariés qui ont bénéficié de l’extension de l’Agirc par un accord spécifique).
Désormais, ce critère renvoie à l’appartenance aux catégories des cadres et non-cadres résultant de l’application des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres. Ces deux articles maintiennent la classification des salariés relevant des articles 4 et 4 bis qui existait sous l’empire de la convention Agirc.
Par ailleurs, pourront également être intégrés à la catégorie des cadres certains salariés définis par accord interprofessionnel, professionnel ou convention de branche, sous réserve de l’agrément de la commission paritaire rattachée à l’Apec. Les salariés qui relevaient de l’article 36 pourront, par exemple, être regroupés avec les collaborateurs relevant des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 dans une seule et même catégorie objective, sous réserve cependant d’un accord agréé par l’Apec.
Les modifications introduites apparaissent donc principalement formelles. Elles impliqueront a minima d’étudier les définitions retenues dans les actes de droit du travail (et par voie de conséquence dans les contrats d’assurance) afin, lorsque cela s’avèrera nécessaire, de substituer aux anciennes références les nouvelles issues de l’accord de 2017. La question des salariés qui relevaient de l’article 36 de la convention Agirc est plus complexe puisqu’elle suppose d’attendre l’éventuelle conclusion d’un accord validé par l’Apec.
De nouvelles définitions des tranches de rémunération
Le critère n°2 issu du décret de 2012 permettait quant à lui d’utiliser les « tranches de rémunérations » Agirc et Arrco pour définir une ou plusieurs catégories objectives. L’article R. 242-1-1 avait toutefois été modifié en 2014[5] et le nouveau texte ne se référait plus aux tranches de rémunérations mais à « un seuil de rémunération déterminé à partir de l’une des limites inférieures des tranches » Agirc (soit 1 et 4 PASS) et Arrco (soit 1 PASS). L’ACOSS (aujourd’hui Urssaf Caisse nationale) avait cependant précisé que « les seuils en référence à 1, 2, 3 et 4 PASS ainsi que le seuil inférieur à 8 PASS » continuaient d’être admis[6]. Le décret du 30 juillet 2021 pérennise ce mécanisme, en supprimant dans le texte toutes les références à l’Agirc et à l’Arrco.
Ainsi, sur la base du « nouveau » critère 2, une catégorie objective peut être établie à partir « d’un seuil de rémunération égal au [PASS] ou à deux, trois, quatre ou huit fois ce plafond, sans que puisse être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède huit » PASS.
Un toilettage devrait ainsi être opéré pour les régimes qui définissaient les tranches en référence à celles de l’Agirc ou de l’Arrco.
Dans quel délai les modifications devront-elles être opérées ?
Le décret entre en vigueur le 1er janvier 2022 et instaure une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2024. Concrètement, l’exclusion d’assiette des cotisations ne sera pas remise en cause jusqu’à cette date pour les régimes qui ne remplissent pas les conditions fixées par ce nouveau texte, mais « sous réserve qu’aucune modification [de l’acte de droit du travail instituant le régime] relative au champ des bénéficiaires des garanties n’intervienne avant cette même date ». Ainsi, l’évolution du régime sur un autre aspect n’entraînera pas une sortie automatique de la période transitoire, contrairement aux rédactions retenues pour les anciennes périodes transitoires. Comme à l’accoutumée en la matière, ces dispositions devraient être commentées par l’administration, probablement au travers de la fiche « Protection sociale complémentaire » du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (Boss) qui doit prochainement être publiée. L’expérience a montré que des ajustements importants sont fréquemment apportés, ce qui pourrait inciter les professionnels à adopter une forme d’attentisme vigilant dans les prochains mois.
- [1] Décret n°2021-1002, publié au Journal officiel du 31 juillet 2021
- [2] Accord national interprofessionnel instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire du 17 novembre 2017
- [3] Loi n°2003-775 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites
- [4] Décret n°2012-25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire
- [5] Décret n° 2014-786 du 8 juillet 2014 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire
- [6] Lettre-circulaire ACOSS du 12 août 2015 relative aux contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaire de retraite et de prévoyance