Aurélie Abadie le 14 septembre 2021
Le ministre de la Santé Olivier Véran a demandé au Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie d’étudier la faisabilité d’une « grande Sécu ».
Le projet de nationalisation des complémentaires santé, poussé par le ministre Olivier Véran, sera un thème central dans la campagne présidentielle. Il était également au cœur des débats aux Journées du Courtage ce mercredi.
A sept mois de la présidentielle, le ton de la campagne est déjà donné. Un certain nombre de projets de réformes concernant le secteur de l’assurance devrait être au cœur des débats. Parmi ceux-ci, le projet dit de « Grande Sécu », porté notamment par l’actuel ministre de la Santé et des solidarités Olivier Véran, inquiète particulièrement la profession.
«La nationalisation des complémentaires santé est une folie ! », a martelé le PDG de Aon France Robert Leblanc à la tribune des Journées du courtage organisées par l’Argus de l’assurance ce mercredi 14 septembre. Et d’ajouter, ironique : « si tout intégrer dans l’Etat était la meilleure solution, l’URSS aurait connu un autre sort ». « Nous avons aujourd’hui un système concurrentiel qui fonctionne. Il y a des sujets où nous préférons l’attentisme à l’agitation politique », a-t-il ajouté.
Un signal fort de menace pour les assureurs
La crainte est forte du côté de la Fédération française de l’assurance (FFA). Pour son directeur général Franck Le Vallois, le travail commandé par le ministre Véran au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) pour étudier la faisabilité du scénario de « grande Sécu » constitue « un signal fort de menace », a-t-il souligné lors de ce même débat. Et de mettre en avant le coût d’un tel projet pour les finances publiques et donc in fine pour les Français.
Les complémentaires santé sont, en effet, particulièrement taxées en France (13% pour les contrats responsables et 20% pour les autres), contrairement à nos voisins comme l’Espagne (0,15%) ou l’Allemagne où elles en sont même exemptées de taxation.
Nationaliser les complémentaires santé reviendrait donc à un manque à gagner de 40 Md€ pour les finances publiques. « Il faudra bien que quelqu’un paye ! Les Français veulent-ils être taxés pour financer cette nationalisation, sans pour autant pouvoir choisir leur niveau de couverture ? Cela ressemble fort à Cuba sans soleil », pointe Franck Le Vallois.
La FFA, qui souhaite dans le cadre de son plan de réorganisation globale peser davantage dans le débat public, travaille étroitement sur le sujet avec les autres fédérations professionnelles en première ligne sur le sujet : la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) et le Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip).
Le financement du projet en question
Présidente du groupe d’études assurance à l’Assemblée nationale, la députée de la majorité LREM Valéria Faure-Muntian est également opposée au projet.
Elle juge que le système actuel reposant sur la complémentarité entre la Sécurité Sociale et les complémentaires santé « fonctionne correctement ». A l’exception de la question « plus marginale » des couvertures santé des retraités, qui peuvent être la cible de « démarchage ou de surcoût ». A l’unisson avec Franck Le Vallois, elle souligne également que la mise en place d’une grande Sécu soulève un véritable problème pour les comptes publics. « Comment va-t-on financer ? Les comptes sont contraints par la crise sanitaire. Ce gouvernement a déjà mis en place le reste à charge zéro qui sert vraiment les assurés. Je ne vois pas comment on peut aller plus loin ! »
Le projet de « Grande Sécu » est donc loin de faire l’unanimité… Pour Robert Leblanc, cette idée qui a pris de l’ampleur dans les médias du fait de l’effervescence autour de la campagne présidentielle « n’aboutira pas et va mourir comme elle est apparue ». Si elle venait toutefois à voir le jour, les grands courtiers comme Aon pourraient y trouver leur compte, affirme-t-il ! « Si les complémentaires disparaissent, nous distribuerons davantage de surcomplémentaires. Nous proposons déjà systématiquement à nos clients une surcomplémentaire avec les contrats responsables, et parfois nous en rajoutons une en option », souligne le patron de Aon France.