La réforme de l’Assurance chômage se présente comme la priorité du « volet social » du quinquennat. Cette priorité semble devoir s’imposer alors que le « quoi qu’il en coûte » n’est toujours pas terminé, qu’un deuxième plan de relance est annoncé, que la réforme des retraites est repoussée, et que le « mur de la dette » des entreprises continue de se construire.
Le 20 mai 2021 – Hervé Chapron et Michel Monier, membres du think tank CRAPS
Cette urgente de réforme de l’indemnisation du chômage nourrit un riche débat. Il faut, pour les uns, que l’Assurance chômage soit plus re-distributive, pour d’autres plus efficiences à la fois par une indemnisation plus juste et pour d’autres encore par une gouvernance plus responsable. Les économistes, les politiques, les acteurs sociaux et économiques chacun y va, non pas de ses idées, mais de ses solutions, sans pour autant lever quelques contradictions ni définir ce que doit être le périmètre et le rôle in fine d’une Assurance contre le chômage, contre la perte d’emploi.
L’Assurance chômage héritée de 1958 souvent « réformée » a accompagné les évolutions du marché du travail sans réussir à s’adapter à la nouvelle donne d’un chômage autant de masse que récurrent. La réforme qui arrive n’est rien d’autre qu’une nouvelle réforme comptable et l’occasion d’un nouveau combat pour la gouvernance de l’Assurance chômage.
Bien davantage qu’une nouvelle réforme, c’est à refonder l’Assurance chômage qu’il faut aujourd’hui s’attacher.
Refonder l’Assurance chômage ce serait, tout d’abord, rappeler la responsabilité partagée des Partenaires sociaux et de l’état qui agrée les accords des Partenaires sociaux (qui lorsqu’il ne les agrée pas intervient par ordonnance). Ce serait s’interroger sur la légitimité d’une décision politique contre nature(*) qui fait du chômage partiel une incitation à la conclusion du contrat de travail. La refonder, ce serait ensuite accepter de voir quelles sont les causes du déficit de l’Unedic qui, au-delà de l’indemnisation, finance les retraites complémentaires des allocataires, finance aussi Pôle emploi et la politique publique culturelle par le régime spécifique des intermittents. Mettre ces financements au débat permettrait de voir que le strict périmètre de l’indemnisation du chômage n’est pas structurellement déficitaire.
Les économistes autant que les politiques éludent ces questions sur lesquelles les Partenaires sociaux se sont montrés étonnamment prudents jusqu’à être consentants.
Les réformateurs argumentent aussi de l’absence de contrôle parlementaire sur l’Assurance chômage pour demander que ses comptes soient joints à ceux de la Sécurité sociale.
N’ont-ils pas vu que l’Unedic est tenu d’adresser chaque année aux Assemblées et à l’exécutif ses perspectives financières à horizon de 3 ans ?
Peut-être que l’absence de contrôle dont il est question est, en fait, le manque d’intérêt des destinataires et des observateurs aussi ?
Ces préliminaires pris en compte, et avant de modifier les paramètres de l’indemnisation afin d’en garantir l’équité, la question de « l’accompagnement au retour à l’emploi » gagnerait à être jointe au débat dont elle est, étrangement, absente. Peut-on quand il s’agit de réformer l’Assurance chômage qui serait trop peu incitative à la reprise d’emploi, éviter de poser la question de l’efficacité des mesures d’accompagnement au retour à l’emploi ?
L’accompagnement à la reprise d’emploi, lui aussi coûteux, est placé hors-jeu comme s’il n’avait pas de lien avec le chômage indemnisé.
Refonder l’Assurance chômage ce serait, enfin, poser clairement la question du « modèle » que l’on veut. Doit-elle finir de muter vers un modèle de solidarité, qui pourrait alors être totalement re-distributif, ou bien Doit-elle affirmer son caractère assurantiel et couvrir le risque du chômage par une allocation qui reste déterminée par le salaire ?
La question de la gouvernance du dispositif ne peut venir qu’en conclusion, comme une conséquence du choix entre étatisation et responsabilité davantage que comme prérequis.
Le débat sur l’Assurance chômage tout entier occupé par le paramétrage de l’indemnisation et ses conséquences est alimenté par des croyances et des affirmations qui éludent les faits et les chiffres. Il est fort à craindre qu’en conséquence cette réforme ne réponde pas, cette fois encore, aux objectifs qu’elle s’est fixée, mais qu’elle soit, de fait, une nouvelle étape dans l’étatisation du régime de l’indemnisation du chômage.
Hervé Chapron et Michel Monier sont membres du think tank CRAPS (Cercle de Recherche et d’Analyse sur la Protection Sociale). Ils sont respectivement Anciens Directeurs Généraux Adjoints de Pôle emploi et de l’Unedic.
(*) « Je dis très clairement aux employeurs qu’ils peuvent dès à présent embaucher les saisonniers auxquels ils font appel tous les ans, et les placer en activité partielle le temps que la saison démarre ». Élisabeth Borne. 13 avril 2021. RTL/Le Parisien.