À l’occasion de la publication de leur nouveau livre « Penser le social : 5 nouvelles leçons », Michel Monier et Hervé Chaperon respectivement Anciens Directeurs Généraux adjoints de l’Unedic et de Pôle emploi, ont réalisé cette petite introduction pour vous donner envie d’en savoir plus !

Première Leçon : Les métiers de la « 1ère ligne » n’échapperont pas à l’automatisation !

Ce fut une révélation. Une honteuse révélation : il existerait des métiers qui échappent à la protection, qui y échappent doublement. Des métiers invisibles jusqu’au confinement qui aurait mis au jour et leur nécessité et leur précarité. Honte donc à ceux qui ne le savaient pas, qui ne voulaient pas savoir, aux tartuffes qui demandaient avec constance « Couvrez… ces métiers que je ne saurais voir, par de pareils objets les âmes sont blessées » ! et qui n’écoutant que leurs peurs se sont acheté une conscience : ils ont nourri les applaudissements quotidiens au balcon à 20 heures précises ! Un « quantitative applause » venait, à bon prix, compléter le « quatitative easing » budgétaire qui s’annonçait !

Deuxième Leçon : la Métropolisation : un objectif encore non atteint ou la vraie fausse bonne idée ?

Ce fut là aussi une autre révélation ! Le confinement en milieu urbain a été plus difficile à supporter et plus « clivant » que le confinement provincial. Les sociologues, experts de la chose, nous ont alerté : le pire est à voir dans les banlieues. Dans ces « territoires perdus de la République », le confinement aurait mis au jour l’insupportable promiscuité aggravée par les conséquences économiques de l’arrêt de l’économie souterraine.

Voilà réapparaître les conséquences ultimes de la révolution industrielle qui avait vidé nos campagnes. Avant les sociologues, un géographe avait réagi en 1947. Il démontrait que la « macrocéphalie » parisienne était inscrite dans l’Histoire, l’industrialisation jouant comme accélérateur et interrogeait : « Peut-on fonder l’avenir d’une Nation sur l’hémorragie interne ? Peut-on fonder sa renaissance sur le gonflement congestif de 4 % de son territoire et sur l’appauvrissement continu en hommes et en productions de la moitié des provinces

Troisième Leçon : Politisation de l’Administration, technocratisation du Politique : causes de bien de nos maux.

Ce fut ici non pas une révélation mais une confirmation : notre système administratif n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Critiquer notre Administration n’est pas nouveau, c’est un sport national. Après avoir longtemps cru qu’elle était celle que le monde entier nous enviait, elle est désormais critiquée de tous bords pour être trop ou pour n’être pas assez, c’est selon. Il est donc normal que la gestion d’une telle crise soit critiquée, pour les mêmes raisons. En réalité, lorsque l’on critique la décision et l’action politiques, c’est en fait le processus administratif qui est critiqué. C’est une machinerie à la méthode de travail opaque qui, de bureaux en sous-directions, de directions d’administrations centrales en cabinets ministériels qui alimente la réflexion et oblige le choix politique.

Quatrième Leçon : Régionaliser, externaliser l’action publique.

C’est une banalité que de dénoncer l’hyper centralisme de l’État français, c’est aussi une banalité que de s’en satisfaire. En voilà une vieille histoire qui, quel que soit le « régime », et en ce domaine il n’y en a pas eu d’allégé, l’Administration n’a fait que croître et embellir. Il s’agissait, au tout début, de construire l’État monarchique en le dotant d’une Administration ; ce sera le fil rouge. L’Empire, les Républiques suivront, confortant l’État central, faisant croître, pour le servir, les effectifs de fonctionnaires.
Les « actes » de décentralisation joueront de même : toujours inaboutis, ils génèrent à chaque fois un peu plus d’administration et de contrôle par le niveau central.

Ne feignons pas d’être surpris, la décentralisation est vécue comme impossible. Réclamée mais muselée

Cinquième Leçon : Désocialiser la société française, accepter de payer le juste prix ! Refuser l’illusion de la redistribution !

Ce serait le résultat de l’Histoire, de la Culture française, de la centralisation. Nos exceptions françaises, celle pour la dette, celle pour le chômage, celle de la Culture subventionnée se résument en une formule « notre préférence pour la socialisation ». Cette préférence se mesure. Alors que 34,3 % du PIB sont consommés, en moyenne OCDE, par les recettes publiques la France y consacre 46 %. Notre parangon de voisin fonctionne, quant à lui, avec 38 %.

A ce niveau de prélèvements obligatoires notre économie, dite néolibérale, est de fait socialisé. Ce serait là un choix de société, tout autant désiré que dénoncé. Et encore, ce prélèvement sur la richesse créée ne suffit pas puisqu’il faut recourir à l’emprunt pour financer une dépense publique qui représente plus de la moitié de cette richesse.

1 Paris et le désert français. François Gravier.
2 Source : édition 2019 du rapport « Statistiques des recettes publiques » – OCDE.