P3S / Rédacteur : Jean Marie Spaeth / 3 janvier 2020

Un régime universel de retraite « par points » ouvert à toutes les catégories professionnelles, quel que soit leur statut, est un retour aux sources de 1945. Il a trois caractéristiques.

Les modalités de calcul des pensions sont les mêmes pour tous et permettent de reproduire, lorsqu’une personne décide de partir en retraite, une image fidèle de sa contribution financière tout au long de sa vie professionnelle.

Aujourd’hui, les régimes de retraite peuvent être qualifiés de régimes à « prestations prédéfinies ». La pension ne dépend pas de l’effort contributif tout au long de la vie professionnelle, mais est fonction de paramètres (âge, salaire de référence, pourcentage des derniers mois de salaire etc.) propres à l’un des 42 régimes actuels.

Un régime « par points » est un régime par répartition. C’est toujours une « ponction » sur la masse salariale qui finance les pensions. C’est la consolidation de la solidarité entre générations à laquelle les Français sont attachés.

Un régime « par points » met à disposition des acteurs en charge de sa gouvernance, des « outils de pilotage » collectifs et individuels pouvant être utilisés tous les ans, de génération en génération, en toute équité.

L’expérience est solide : la mise en place du régime de retraite universel « par points » généralise le fonctionnement des régimes de retraite complémentaire dont bénéficient plus de 80% des retraités.

Dès 1947 pour les cadres (Agirc), en 1956 pour les ouvriers de Renault, puis en 1961 par un accord interprofessionnel pour les salariés du privé (Arrco), et enfin par la loi de 1972 pour tous les salariés relevant du régime général, des retraites complémentaires « par points » furent introduites.

Depuis, des évolutions collectives et individuelles sont intervenues. Elles ont été la conséquence de progrès de civilisation, l’allongement de l’espérance de vie par exemple, d’un souci de solidarité intra professionnelle et générationnelle, ou encore du maintien de l’équilibre économique des retraites complémentaires.

Créés quand l’âge légal de départ à la retraite du régime général était fixé à 65 ans, l’Agirc/Arrco ont été adaptés lorsqu’en 1983 cet âge a été abaissé à 60 ans, puis en 2010 lorsqu’il a été relevé à 62 ans.

Ils se sont adaptés aux cas spécifiques, les métiers comme celui des mineurs, les situations d’invalidité ou l’inaptitude. Des centaines de milliers de retraités perçoivent aujourd’hui une retraite complémentaire correspondant pour partie, dans un souci de solidarité, à des points non cotisés par eux-mêmes, pour prendre en compte des périodes de chômage, de maladie, ou simplement pour augmenter le niveau des pensions.

La valeur « d’achat » ou de liquidation du point, et la revalorisation annuelle des retraites, ont régulièrement été ajustées.

Quand les gouvernements ont décidé de « surcotes » pour les régimes général et spéciaux, pour inciter les salariés à retarder leur départ en retraite, il n’y a pas eu besoin de mesures particulières. Par construction, dans un régime « par points », chaque mois de salaire en plus augmente le nombre de points et la pension future.

70 ans d’expérience montrent que des règles telles qu’un âge pivot ou la promesse d’indexer la valeur du point sur les salaires, sont inutiles et contraires à l’esprit d’un régime « par points ». Pour quatre raisons :

  • Un âge pivot porte atteinte à la liberté des salariés d’arbitrer entre travailler plus longtemps pour améliorer leur pension, ou arrêter de travailler dès lors qu’ils ont atteint l’âge légal.
  • Il est injuste pour ceux qui prendront leur retraite avant d’atteindre l’âge pivot tout en respectant l’âge légal. Pour ces retraités, souvent parce qu’ils n’ont pas d’autres choix, particulièrement les 40% de salariés au chômage avant la retraite, l’âge pivot introduit une double peine. Outre un capital de points plus modestes, on leur appliquera, en plus, un abattant de 10 % sur leurs pensions alors qu’ils auront respecté l’âge légal.
  • Il porte atteinte à la liberté de décisions des acteurs en charge de la gouvernance du régime universel, car l’on réintroduit des éléments de prestations « prédéfinies ».
  • C’est un manque de confiance dans l’avenir de notre pays et la capacité des générations futures à prendre en compte les réalités économiques, sociales, démographiques, et le niveau de solidarité intergénérationnelle et professionnelle conforme aux aspirations des citoyens, qui évolueront.

Un régime de retraite « par points » a besoin de deux règles : une « d’or » de ne jamais faire appel à l’emprunt ; la fixation d’un âge légal minimum, 62 ans aujourd’hui comme l’a rappelé le Président de la République.

Mélanger réformes systémique et paramétrique, c’est porter atteinte à l’esprit d’un régime universel de retraite par répartition « par points », et c’est une vision de sa gouvernance « d’un autre monde ».

Jean Marie Spaeth
Anciens Président de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (Cnav) et de l’École Nationale Supérieure de la Sécurité Sociale (EN3S), ancien Administrateur de l’Arcco, Administrateur de P3S.