4 janvier 2019 par Le blog RH – Article rédigé par Dorian Saorin

Ce qui change avec la crise Covid-19

Aujourd’hui, seulement 53% des salariés estiment que les entreprises s’occupent de leur bien-être (Baromètre santé et qualité de vie au travail 2018, Malakoff Médéric). Dans le même temps, le mal-être au travail coûte 13 340€ par an et par collaborateur. Le bien-être au travail est ainsi devenu un sujet inévitable pour les organisations et les collaborateurs en sont de plus en plus demandeurs, en particulier les nouvelles générations (Y et Z).

L’origine du concept remonte à près d’un siècle

Les prémices de l’étude du bien-être au travail se trouvent probablement dans certains travaux scientifiques menés à partir des années 1920, où le sociologue Elton Mayo a commencé à démontrer l’importance des facteurs humains, comme la motivation et la satisfaction, sur la productivité ainsi que l’impact de la subjectivité des travailleurs sur leur travail (J.L. Tavani, G. Lo Monaco, L. Hoffmann-Hervé, M. Botella, J. Collange, 2014). Dans les années 1950, le chercheur Éric Trist expose lui les limites du taylorisme et son impact sur la productivité et démontre que le bien-être au travail repose sur la capacité de l’entreprise à concilier les dimensions humaines, sociales et techniques du travail.
Dans les décennies qui ont suivi, c’est surtout via l’ONU et la création de l’OMS en 1948 que le concept prend forme. L’OMS a ainsi défini la santé comme étant un « état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Cette connexion entre santé et bien-être s’accentue à partir des années 1990 avec le développement de la philosophie positive via Martin Seligman : les chercheurs mènent désormais des études sur les dimensions positives reliées au bien-être au travail (satisfaction, motivation, etc.) et non pas uniquement sur les dimensions négatives reliées à la souffrance au travail (maladie, stress, absentéisme,).

Un concept difficile à définir

Malgré les nombreuses recherches sur le sujet, il est encore difficile aujourd’hui de définir le bien-être au travail comme un concept tant il y a des approches et des principes d’utilisation différents selon les disciplines, les pays ou les cultures. La France le considère traditionnellement comme le prolongement des conditions de travail avec une orientation donnée aux risques professionnels. Le management lui adopte une vue holistique afin de trouver les meilleurs leviers d’amélioration, même s’il se focalise davantage sur son lien avec la performance. Et s’il est tant difficile de le définir, c’est que la définition du bien-être seul l’est également. Elle repose principalement sur la division philosophique entre hédonisme (la recherche maximale de plaisir) développé par Épicure et eudémonisme (la recherche de bonheur, long-termiste) développé par Aristote.
Ce qui est certain finalement, c’est que le bien-être au travail reste subjectif, car il reste une perception, et multidimensionnel, puisqu’il implique de nombreux paramètres et facteurs pour sa réalisation.

Des exigences sociales et sociétales plus importantes

C’est dans ce contexte qu’à partir des années 2000 les entreprises ont commencé à réellement s’emparer du sujet, à se préoccuper de l’amélioration de l’épanouissement des collaborateurs. Le bien-être au travail répond ainsi à l’émergence de nouvelles exigences sociales, voire sociétales, qui se concrétise par des nouvelles attentes des salariés. Ces derniers ont fait évoluer leur perception du travail et sa place dans leur vie, mais également leurs sources de motivation et d’engagement, invitant le management à se réinventer.
Le bien-être au travail est devenu un sujet important pour tous. Aujourd’hui pour les salariés, le respect et la reconnaissance (incluant la rémunération) restent les premiers mots associés selon une enquête de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail, 2013). Cependant derrière ces termes, il se décline différemment selon les collaborateurs car chacun a ses propres attentes. Par exemple, 53% des moins de 30 ans vont mettre en facteur numéro un l’ambiance et les relations avec les collègues alors que 42% des 50 ans et plus vont davantage mettre en avant le besoin de reconnaissance (étude Malakoff Médéric, 2017). A l’avenir, une personnalisation des leviers du bien-être au travail devrait donc apparaître.

Un cadre légal plus sensible mais insuffisamment exigeant

Le cadre légal prend progressivement conscience de l’importance du bien-être au travail. Ainsi, au niveau de l’Union Européenne, les différents sommets de Lisbonne (2000) puis de Nice (2001) ont déterminé la qualité de l’emploi comme un axe stratégique. Puis la diffusion du concept du bien-être au travail a pris de l’ampleur en France avec l’Accord National Interprofessionnel de juin 2013 qui a défini la qualité de vie au travail comme étant « les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail, et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci », et qui a marqué un vrai premier pas en avant en formulant une définition sur laquelle les organisations peuvent s’appuyer. Ensuite, depuis la loi Rebsamen de 2015 et appliquée depuis 2016, les entreprises comprenant des syndicats ont l’obligation de mener, au moins une fois tous les 4 ans, une négociation sur l’égalité professionnelle incluant la qualité de vie au travail. Et plus récemment, le Premier ministre Édouard Philippe a directement demandé aux instances représentatives du personnel (IRP) de plancher sur ce sujet.
Néanmoins, il reste encore du chemin à parcourir pour arriver à un cadre réglementaire suffisamment exigeant, et qui s’appuierait sur des indicateurs concrets ou bien des mesures tangibles pour inciter ou contraindre davantage les organisations.

Une prise de conscience des organisations sur le lien entre QVT et performance…

Les organisations qui se sont saisies du sujet ont commencé à investir en lançant de nombreuses initiatives ou politiques relatives au bien-être au travail. Cela peut passer par l’aménagement des locaux et des horaires de travail, des programmes de formation destinés au management, l’instauration de moments de convivialité et de partage, la création d’un poste dédié au bien-être au travail (Chief Happiness Officer par exemple). Et si les organisations le font, c’est aussi parce qu’elles sont conscientes que cela va avoir un impact positif sur leur performance, par un plus fort engagement, une meilleure efficacité des collaborateurs. Il existe aujourd’hui des applications qui aident à analyser et améliorer l’expérience collaborateur à travers plusieurs indicateurs (Wittyfit, Timyo, Kiplin ou Petit Bambou par exemple). Il y a également l’apparition de labels accompagnant les entreprises dans le diagnostic du bien-être au travail, légitimant ainsi de plus en plus le sujet. La démarche Great Place to Work (GPTW) dans laquelle est engagée Wavestone, en est par exemple une très belle illustration.

…mais qui doit être accompagnée d’une réelle réflexion sur le travail en lui-même

Pour autant, ce n’est pas suffisant. Si les entreprises se sont employées à prendre soin de leurs collaborateurs, cela ne signifie pas toujours qu’elles s’emploient à repenser le travail en lui-même : ce qui signifie réfléchir sur son sens, son contenu, sa valeur ajoutée et ses conditions de réalisation. Concrètement, il faut notamment repenser les méthodes de travail et le management. Chaque organisation doit donc adopter une structure organisationnelle qui puisse permettre de se poser ces questions, ce qui demande du temps et un investissement véritable. Il faut ainsi aller plus loin et transformer la réflexion en un projet d’entreprise.
En conclusion, si des initiatives marquantes sont aujourd’hui mises en place, la réelle investigation du bien-être au travail et sa customisation en adéquation avec les attentes des collaborateurs passe par une démarche plus profonde et structurelle. A quand une vision plus eudémoniste ?